Les investissements privés dans l’IA générative ont explosé, passant de 3 milliards de dollars en 2022 à 25 milliards en 2023. Selon Deloitte, environ 80 % des entreprises privées s’attendent à ce que l’IA joue un rôle clé dans leurs opérations dans les trois prochaines années. Pour suivre ce rythme effréné, les centres de données doivent constamment mettre à jour leurs équipements : GPU, processeurs, et autres matériels. Et cela risque de provoquer une énorme augmentation des déchets électroniques.
Une étude récente publiée dans Nature Computational Science estime que les grands modèles de langage (LLM) pourraient générer, à eux seuls, 2,5 millions de tonnes de déchets électroniques par an d’ici 2030. « L’IA n’existe pas en dehors de la réalité matérielle ; elle repose sur des ressources qui laissent une empreinte environnementale tangible », explique Asaf Tzachor, co-auteur de l’étude et chercheur en climat et durabilité à l’université de Reichman en Israël. Il ajoute que prendre conscience de ce problème est essentiel pour limiter les impacts environnementaux tout en continuant à bénéficier des progrès de l’IA.
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Un problème souvent négligé
Jusqu’ici, la plupart des recherches sur la durabilité de l’IA ont surtout porté sur l’énergie, l’eau et les émissions de carbone. Mais Tzachor, avec Peng Wang et Wei-Qiang Chen de l’Académie chinoise des sciences, s’est concentré sur les déchets électroniques. Leur étude veut montrer l’ampleur du problème et encourager des pratiques plus écoresponsables dans l’industrie.
Pour rappel, les déchets électroniques contiennent des métaux toxiques et des produits chimiques nocifs pour l’environnement. En 2022, le monde a produit 62 millions de tonnes de déchets électroniques, un chiffre qui augmente cinq fois plus vite que les efforts de recyclage, d’après l’ONU. Dans ce contexte, l’IA pourrait sérieusement aggraver la situation. Les puces, batteries et circuits imprimés des centres de données ne font qu’ajouter à la crise.
L’étude a envisagé plusieurs scénarios d’adoption de l’IA générative. Dans le pire des cas, on parle de 5 millions de tonnes de déchets électroniques cumulés entre 2023 et 2030. Même le scénario le plus modéré envisage 1,2 million de tonnes. Tzachor estime que l’évolution actuelle favorise le scénario le plus agressif.
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Que faire pour limiter l’impact ?
Utiliser des puces plus performantes pourrait réduire les déchets, mais chaque nouvelle version génère son lot de débris. Et les restrictions commerciales sur les semi-conducteurs compliquent encore la situation : certains pays n’ayant pas accès aux technologies les plus récentes risquent de produire davantage de déchets.
Pour limiter l’impact, il faudrait envisager de réutiliser l’équipement, une pratique appelée « downcycling ». Les serveurs désuets pourraient encore servir pour des tâches moins exigeantes ou être offerts aux écoles, par exemple. Quelques géants de la tech, comme Amazon, Google, et Microsoft, ont des objectifs en matière de développement durable, notamment pour l’empreinte carbone. Microsoft, en particulier, s’est engagé à réduire ses déchets électroniques. Mais selon Tzachor, des réglementations pourraient s’avérer nécessaires pour assurer un réel changement. Les entreprises devraient être incitées à adopter des pratiques plus durables.