La programmation assistée par l’IA est désormais partout. Pourtant, l’enthousiasme n’est pas partagé par tout le monde.
Selon les points de vue, les outils dopés à l’IA offriraient soit un gain de productivité inédit aux développeurs, soit produiraient une grande quantité de code mal pensé, difficile à maintenir et source de problèmes à long terme. Dificile donc de savoir où se situe la vérité.
Les géants de la tech investissent des milliards dans les grands modèles de langage et présentent la programmation assistée par l’IA comme l’usage phare de cette technologie. Le patron de Microsoft, Satya Nadella, comme celui de Google, Sundar Pichai, affirment qu’environ un quart du code de leurs entreprises est déjà généré par l’IA. En mars dernier, le dirigeant d’Anthropic, Dario Amodei, allait encore plus loin en estimant que, d’ici quelques mois, 90 % du code pourrait être écrit par des systèmes automatisés.
Un enthousiasme qui se heurte à la réalité du terrain
Après avoir échangé avec plus de trente développeurs, cadres du secteur, analystes et chercheurs, MIT Technology Review dresse un constat bien plus nuancé. Sur le terrain, l’enthousiasme initial commence à s’éroder à mesure que les limites de la technologie apparaissent.
Plusieurs études suggèrent aussi que les gains de productivité annoncés seraient parfois largement surestimés, au point que certains se demandent si tout cela ne relève pas en partie de l’illusion. La situation est d’autant plus complexe que le domaine évolue très vite. Les nouveaux modèles se succèdent à un rythme soutenu, modifiant sans cesse les capacités et les défauts de ces outils.
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Une adoption massive et des outils de plus en plus puissants
Le secteur évolue à une vitesse impressionnante. Aujourd’hui, il est difficile d’échapper aux outils de programmation assistée par l’IA. Ils sont nombreux, proposés aussi bien par les créateurs de modèles que par des entreprises qui les intègrent dans des éditeurs de code très aboutis. D’après l’enquête développeurs 2025 de Stack Overflow, 65 % des professionnels les utilisent désormais au moins une fois par semaine.
Ces outils existent depuis près de dix ans, mais leur véritable essor a commencé avec l’arrivée des grands modèles de langage. Au départ, ils se contentaient de suggérer la suite d’une ligne de code, à la manière d’une simple saisie semi-automatique. Aujourd’hui, ils sont capables d’analyser des bases de code complètes, de modifier plusieurs fichiers, de corriger des bugs et même de produire de la documentation explicative.
La dernière évolution concerne les agents autonomes. Ces systèmes peuvent recevoir un objectif global et concevoir un programme presque seuls. Ce saut technologique a été rendu possible par des modèles dits de raisonnement, capables de décomposer un problème étape par étape et d’utiliser des outils externes.
Les progrès sont visibles dans les tests de référence du secteur. Lorsqu’un benchmark dédié à la correction de bugs réels a été lancé en 2024, les meilleurs modèles ne résolvaient qu’un tiers des problèmes proposés. Un an plus tard, les plus performants dépassent régulièrement les 70 % de réussite.
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Des gains de productivité plus limités qu’annoncé
Cette dynamique a donné naissance à une nouvelle approche, souvent appelée le vibe coding. L’idée consiste à décrire un logiciel avec des mots simples et à laisser l’IA écrire, améliorer et corriger le code. Sur les réseaux sociaux, de nombreux développeurs affirment gagner un temps considérable grâce à cette méthode.
Mais derrière ces témoignages enthousiastes, les chiffres racontent une histoire plus mitigée. Des études menées par des éditeurs d’outils évoquent des gains de vitesse allant de 20 à 55 %. De son côté, un cabinet de conseil décrit des bénéfices bien plus modestes dans les conditions réelles.
D’autres analyses montrent que si les développeurs produisent un peu plus de code durable, la qualité globale tend à se dégrader. Les enquêtes récentes révèlent aussi une baisse de confiance envers ces outils. Plus surprenant encore, une étude indépendante a montré que des développeurs expérimentés se pensaient plus rapides grâce à la programmation assistée par l’IA, alors que les tests objectifs indiquaient en réalité un ralentissement.
Les limites techniques et le poids de la dette logicielle
Les développeurs interrogés s’accordent toutefois sur certains points. La programmation assistée par l’IA se montre efficace pour produire du code répétitif, écrire des tests, corriger des bugs simples ou expliquer un code existant. Elle aide aussi à dépasser le syndrome de la page blanche et permet à des profils non techniques de créer rapidement des prototypes.
Mais ces tâches restent marginales dans le quotidien d’un développeur expérimenté. Dès que les problèmes deviennent plus complexes, les limites apparaissent rapidement.
L’un des freins majeurs tient à la mémoire de travail des modèles. Ils ne peuvent gérer qu’une quantité limitée d’informations à la fois, ce qui les empêche de comprendre correctement de grandes bases de code.
Un morceau de code généré peut fonctionner isolément, mais un logiciel repose sur de nombreux éléments interdépendants. Sans vision globale, le résultat devient confus, difficile à lire et compliqué à maintenir. Les conventions internes sont souvent mal respectées, ce qui fragmente progressivement les projets.
À cela s’ajoutent les erreurs. Le code généré paraît propre et rassurant, ce qui rend les problèmes difficiles à détecter.
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Un avenir inévitable, mais profondément transformant
Malgré ces problèmes, un retour en arrière semble peu probable. Écrire chaque ligne de code à la main devient progressivement une exception. Les données de Stack Overflow montrent que l’utilisation de la programmation assistée par l’IA continue de progresser, même si la méfiance augmente.
Pour certains développeurs, les nouveaux agents ont provoqué un véritable déclic. Pour d’autres, la maîtrise de ces outils demande des mois d’expérimentation. Les meilleurs résultats apparaissent lorsque les règles sont claires, l’architecture bien définie et le contrôle exercé au bon niveau.
À l’échelle des équipes, les outils amplifient autant les forces que les faiblesses. Dans un environnement structuré, ils peuvent produire des résultats impressionnants. Dans un cadre désorganisé, ils aggravent les problèmes existants.
Au-delà de la productivité, une question plus profonde émerge. Certains développeurs ont le sentiment que la programmation assistée par l’IA grignote le plaisir de comprendre, de construire et de faire fonctionner une machine. Le travail devient plus abstrait, moins tactile, parfois moins satisfaisant.
Et c’est peut-être là que se situe le véritable enjeu. Pas seulement dans la vitesse ou les économies promises, mais dans la manière dont ces outils redéfinissent le métier de développeur et le rapport humain au code.
