Il est difficile d’ignorer ce qui se passe sur les plateformes de Meta. Les arnaques, les fausses publicités et les annonces trompeuses y sont devenues presque banales. Et ce n’est pas seulement une impression d’utilisateur fatigué de voir passer des offres douteuses dans son fil.
Des revenus colossaux liés aux arnaques
Des documents internes consultés par Reuters montrent que Meta tirerait une part considérable de ses revenus de ce type de publicités. En interne, le groupe aurait estimé qu’environ 10 % de son chiffre d’affaires annuel provenait de publicités liées à des arnaques ou à des produits interdits. Cela représenterait près de 16 milliards de dollars sur une seule année. Une autre estimation évoque environ 7 milliards de dollars générés chaque année par des annonces classées comme à risque élevé, connues pour poser problème, mais diffusées malgré tout.
Ces chiffres proviennent de documents issus de plusieurs services internes de Meta, notamment la finance, la sécurité et l’ingénierie, sur une période allant de 2021 à 2024. L’objectif affiché était de mesurer l’ampleur des abus sur les plateformes. Mais ces analyses internes mettent aussi en lumière un conflit évident entre la protection des utilisateurs et les intérêts économiques du groupe.
Sans surprise, Meta conteste la lecture qui en est faite. Un porte-parole de l’entreprise a expliqué que ces chiffres donnaient une vision partielle et trompeuse de la lutte menée contre les fraudes. Le groupe affirme agir fermement contre les arnaques, tout en refusant de communiquer des chiffres plus récents sur les revenus concernés.
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La personnalisation qui aggrave le problème
Un autre point clé ressort de ces documents. La personnalisation de la publicité joue un rôle central dans la diffusion des arnaques. Lorsqu’un utilisateur clique une seule fois sur une annonce frauduleuse, les algorithmes ont tendance à lui en proposer davantage, estimant que ce type de contenu correspond à ses centres d’intérêt. Une erreur suffit alors à transformer un fil d’actualité en vitrine d’escroqueries.
Meta au cœur de l’écosystème des fraudes
Le poids de Meta dans l’écosystème publicitaire mondial complique encore la situation. Ses plateformes sont devenues un maillon central de nombreuses arnaques en ligne. Au Royaume-Uni, un régulateur a ainsi estimé qu’en 2023, plus de la moitié des pertes liées aux fraudes de paiement impliquaient au moins une de leurs plateformes.
Officiellement, Meta affirme vouloir réduire sa dépendance à ces revenus problématiques. Des documents internes évoquent des objectifs de baisse progressive de la part des revenus issus de publicités frauduleuses. Mais dans le même temps, d’autres notes internes montrent que l’entreprise limite strictement l’impact financier des mesures de lutte contre les arnaques. Certaines équipes ne peuvent pas prendre de décisions qui entraîneraient une baisse trop importante des revenus, même ponctuelle, alors que Meta a généré près de 90 milliards de dollars sur le seul premier semestre 2025.
Des règles internes très permissives
Le fonctionnement des systèmes internes soulève aussi des questions. Un annonceur n’est banni que si les outils automatiques estiment avec au moins 95 % de certitude qu’il s’agit d’une fraude. En dessous de ce seuil, même si le doute est fort, l’annonceur peut continuer à diffuser ses publicités, moyennant un coût plus élevé. Cette pratique permet de limiter les risques tout en maintenant, voire en augmentant, les revenus.
D’autres documents indiquent également que la majorité des signalements d’arnaques faits par les utilisateurs seraient ignorés ou rejetés à tort. À un moment, plus de 96 % des plaintes auraient été écartées, laissant les victimes sans réelle réponse.
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Que peuvent faire les utilisateurs
Face à ce constat, beaucoup se demandent quelle attitude adopter. Quitter complètement les plateformes de Meta est une option, mais elle reste difficile pour de nombreuses personnes. Facebook, Instagram, WhatsApp ou Messenger sont devenus des outils du quotidien, aussi bien pour le travail que pour les échanges personnels.
À défaut, il devient essentiel de redoubler de vigilance. Apprendre à reconnaître les arnaques les plus courantes et comprendre les méthodes utilisées pour diffuser des liens malveillants est aujourd’hui indispensable.
